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Mathilde, une étoile qui brille dans le secteur funéraire

  • Photo du rédacteur: Meera Albrecht
    Meera Albrecht
  • 5 sept. 2022
  • 12 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 sept. 2022


Je suis très heureuse d'avoir pu accueillir Mathilde sur le podcast DansMonElément.

J'ai été touchée par sa sincérité et son enthousiasme. On sent chez elle quelque chose de pétillant et son choix professionnel atypique m'a d'autant plus intrigué au vue de sa personnalité.

J'ai aimé aussi l'idée de lever des a priori et faire découvrir aux auditeurs des secteurs d'activité et des métiers méconnus, tel que les pompes funèbres.


Let's go pour l'interview.

✓Pourrais tu te présenter en quelques mots ? Bonjour, je suis Mathilde presque 40 ans, une femme 3 enfants, qui a quitté Paris et sa banlieue en 2011 pour l'Eure-et -Loir, et là je suis arrivée en Bretagne Ile et Vilaine depuis bientôt 2 ans. ✓Quel a été ton parcours avant ta reconversion ? J'ai évolué entre 2000 et 2010 principalement en qualité d'assistante de direction ou de production, dans des secteurs médias audiovisuel et communication. Je suis Bac + 2 finalement, après mon Bac L j'ai tenté le DEUG arts et spectacle, loupé ( cumuler boulot et études m'a déconnectée..) puis j'ai suivi un BTS assistante de direction, dans cette volonté de conjuguer terrain et théorie. J'ai donc été agent d'accueil pour des salles de spectacles, de concert ( dont la Cité de la Musique, Cabaret Sauvage ) ou théâtre ( Le théâtre du Châtelet..), figurante... J'ai aussi tenté de devenir comédienne voix off et doubleuse pro, donc j'ai suivi beaucoup de formation, pour la voix, pour le jeu d'acteur, pour la présentation et l'animation radio/ tv, car j'avais la passion des comédiens doubleurs, du cinéma, de la communication artistique,du lien entre les gens, plus globalement ! ✓Pourquoi t'es tu reconvertie ? Un déclic ? Un élément déclencheur ? Ma personnalité a toujours été un peu décalée en terme de réalité - une forme que les autres qualifiaient de naïveté "Bisounours"; ça m'énervait !!! Par exemple, plus jeune, je ne voyais pas forcément que les personnes que je fréquentais n'étaient pas toujours bien intentionnés, sinon très opportunistes, et puis il fallait jouer un jeu qui ne me ressemblait pas et j'ai toujours terriblement fantasmé sur une vie de campagne, parce que Paris c'est comme une drogue, on pense ne pas pouvoir s'en passer, alors qu'au fond tout est fait pour montrer que c'est de la folie de vouloir s'y frayer un chemin ! Un jour dans le métro, j'ai découvert que je pleurais au dessus de mon journal , c'était un tout petit article sur la souffrance des pingouins de la banquise. La page s'est mouillée et c'était moi, à fleur de peau qui laissait sortir mon émotion . Ah bah là je me suis dis " Mais c'est plus possible! Je suis encore jeune ! c'est pas ça que je veux être ! ébranlée dans cette faune humaine !" . Bon, aussi, j'avais une vie très rythmée, couchée très tard levée très tôt, ma première fille avait quoi, 2 ans ? Et malheureusement j'ai été confrontée au décès d'une amie très proche, et là, le choc, la sidération ... Je pense que nous tous les amis de l'époque avions été honteux de ne pas avoir senti à quelle point elle allait mal, j'ai ressenti très longtemps de la culpabilité vis à vis de sa maman...Bref, le cheminement s'est passé en deux ou trois étapes, et après un an de mise à l'écart de tout ce qui touchait à la mort, j'ai eu un tilt en voyant une pub PFG, et il y a quelque chose qui s'est installé dans mon cœur et dans ma tête. ✓ Tu considères que ta reconversion professionnelle a été facile ou difficile à l'époque et ensuite avec le recul ?

Intense, déconstructiviste, fructueuse et finalement facile, du moins les concessions temporaires n'ont été qu' émulation; Mon intuition et ma curiosité m'ont amenée à tout ce que je voulais à tout ce que je voulais, en terme d'aménagement de la vie quotidienne, de levée d'obstacle, de fluidité. ✓ Y a t il eu des obstacles, des écueils et des appréhensions? Le permis de conduire principalement en fut un !!! Qu'il s'agisse de la RP ou ailleurs, ce métier nécessite le permis B. et l'appréhension du contact avec le corps " éteint" . J'avais déjà suivi une formation, deux stages, mais mon premier CDD n'avait pu être renouvelé, personne n'avait vérifié si j'avais le permis avant ma promesse d'embauche ( lol les Ressources Humaines ). J'ai trouvé un poste d'assistante funéraire ailleurs, et en parallèle je prenais mes cours code et conduite sur pause de midi. ✓As tu eu des doutes ou des regrets pendant ta période de transition ? Tu as quitte ton ancien domaine d'activité sans peine ? Aucun doute, aucune question. Plus j'ai avancé dans la découverte plus s'est inscrite en moi l'idée que j'avais peut être enfin trouvé ma voie ! Cela m'a permis d'avancer sans trop de questions. Pourtant l'aspect financier a été une sacrée logistique, entre le cursus de formations, à Paris, et certains frais de la vie quotidienne (les gardes enfants par exemple, mes grands avaient 3 et 5 ans à l'époque). Mais aucun regret de quitter le secteur du spectacle, qui ne nourrissait pas mon "âme", et me compliquait, finalement la vie de devoir toujours rechercher des contrats, des missions d'intermittent du spectacle!

✓Était ce ta première reconversion ? Oui ✓En quoi consiste ton métier ? Peux tu nous donner un exemple de journée type (s'il en a une)

Effectivement, aucune journée ne se ressemble, puisqu'avec un décès, on a contact avec des personnes uniques, une histoire de vie unique. Pour ce qui est de la logistique, on ne sait pas à l'avance combien de cérémonies vont avoir lieu la semaine, combien de déclarations et de démarches administratives nous attendent. La loi prévoit 6jours de délai maximum entre le moment où survient le décès et celui où l'on procède à la mise en bière. Il faut vraiment pratiquer pour intégrer toute la législation funéraire, la restituer, l'expliquer aux familles lorsque leurs attentes sont incompatibles avec l'organisation du convoi ( il faut faire coïncider l'équipe des marbriers, pour les diagnostics avant et la journée d'obsèques à proprement parlé; les services administratifs de mairie ou préfecture, les services de soins/thanatopraxie, parfois et surtout aussi les services mortuaires et administratifs d'un hôpital, les services de police, les services de paroisses ou représentants religieux, s'il y a une religion à honorer etc .... et dans tout cela, il faut prendre en compte la famille : attendre l'arrivée d'un frère, d'une sœur , ou faire coïncider les horaires avec les personnes qui viennent de loin... ça fait beaucoup !!!

Donc une journée type et bien remplie serait :

Arrivée chaque matin on vérifie les corps, leur état, on vérifie les obsèques du jour, les notes diverses, la conformité des papiers, de l'état civil etc .. Puis l'arrivée, pour une organisation suite à un décès survenu la nuit ou au petit matin par exemple, une famille. Gérer l'administratif urgent pour le déroulé, répondre aux téléphone, réceptionner des fleurs, des cartes ou autres, parfois il y a des personnes qui passent la porte pour acheter des plaques, ou souhaitent une monument funéraire, ou encore organiser des obsèques à l'avance ( prévoyance ) .. On peut être amené à suivre des travaux de cimetière, ou encore arriver très tôt là-bas pour des exhumations... En tout cas, arrive ensuite un temps d'accompagnement cérémonie, on dira vers 14H : s'enchainent alors les mises en bière, le départ, la célébration à l'église ou au crématorium, parfois les deux, etc... Puis, après l'inhumation ou le dépôt d'urne, on regagne son agence et on poursuit les travaux en cours ( pour papiers admin des obsèques du lendemain que la mairie a entre temps terminé de traiter etc.. ).

Une journée se termine vers 18h , parfois plus tôt quand les agences sont plus isolées d'une zone peuplée; Et pour certains, c'est la permanence qui commence, avec les interventions d'urgence décès de nuit ou spéciales ( accidents, domiciles etc)

✓Le domaine dans lequel tu t'es lance est assez atypique et on a l'image d'un cadre de travail assez austère, est ce vraiment le cas ? Je pense que c'est comme partout, et aussi comme la multitude de personnalités que nous sommes , nous , êtres humains ; le cadre de travail est très stricte, très digne, c'est sûr, mais il existe fort heureusement des échanges chaleureux entre collègues, entre intervenants ( par exemple le café avec le thanatopracteur avant que le soin ne commence est un moment très agréable au début d'une journée !) , il y a aussi la chaleur avec certaines familles qui nous rencontrent, avec qui le courant passe très fort; Entre collègues, il y a beaucoup de lien, et j'ai découvert des personnes pleines d'humour, parfois d'ailleurs trop ( par exemple, moi je ne suis pas très friande de l'humour à la Bigard...) Je sais qu'il y a des conseillers et des équipes très bienveillantes, très patientes/ zen, et cultivées. Mais il faut aussi le dire, plus qu'austère dans ce milieu j'ai aussi travaillé dans des agences où malheureusement, encore aujourd’hui, l'organisation part à volo, on se tire dans les pattes, on dénigre les autres, on critique les nouveaux arrivants (encore plus parfois quand il s'agit de femmes), on tacle (j'ai croisé des supérieurs qui ne savent en rien manager, ni avec cœur et encore moins intelligence) on travaille dans son coin et on est agacé, voire insensible et blasé par les émotions des familles ! Ces gens là ont beau faire un métier que je respecte énormément, je ressens beaucoup de mépris à leur égard et ne l'ai pas toujours gardé pour moi, elles sauront se reconnaître!

Il existe aussi, comme partout, les personnes qui ont des terrains de fragilité je dirai "d'ouverture d'esprit"; en psychologie, les déviances où peuvent mener le fait de travailler au contact de la mort sont assez extraordinaires.Dépression, nécrophilie, narcissisme aigu ... Quand on en arrive là, il faut changer de métier! On ne peut pas travailler dans le deuil sans remise en question de soi, ni même sans considérer le caractère exceptionnel que vivent les personnes que nous accompagnons! ✓As tu travaillé dans différentes entreprises pompes funèbres ? Y a t il des différences, des particularités selon leur taille ou leur image de marque ? Forcément, des différences, il y en a quelques unes. Oui, j'ai travaillé pour différents groupe ou franchise. Ma plus longue expérience s'est déroulée au sein d'un groupe à plusieurs marques, groupe positionné au niveau national (mais bon, l'histoire du groupe rend ce leadership mathématiquement normal), j'ai connu également des entreprises plus traditionnelles et " familiales".

Pour le cœur du métier, les choses sont sensiblement similaires. L'environnement et les équipes font le même métier, mais c'est la personnalité qui fera la différence en proposant quelque chose de grand et de beau. ✓Quelle est l'activité sur l'ensemble des taches que tu effectues qui te donne le plus de satisfaction ?

Lorsque j'ai la sensation d'avoir " compris" qui j'avais en face de moi.

Lorsque que je propose des choses ou des temps particuliers alors que la logistique n'est pas évidente.

Lorsqu'à l'issue des obsèques je reçois des remerciements sincères ou que les familles repassent m'apporter des présents ,alors là, je suis submergée par tout l'amour du monde ... ! J'arrive depuis 3 ans à accepter les compliments. Je suis très émue quand on me dit que mes interventions ont apaisé le moment, et c'est ça, je pense qui me donne satisfaction. Souvent j'ai mon cœur qui vibre et me dit " mission accomplie" . ✓Quelles aptitudes et compétences d'après toi faut il avoir pour travailler dans ce milieu ? Qualité d'écoute , mais aussi de gestion de stress. Il faut aimer profondément l'être humain et ne pas craindre le contact avec les défunts. Il faut se donner la chance d'apprivoiser les odeurs, la vue ..

Et aussi savoir relativiser, et ne pas juger les gens en face de nous.

Quand bien même l'on pourrait relativiser en se disant " qu'on est pas au temps de la peste" , cela reste quand même une mission impossible pour la plupart des gens, de re-pouponner une défunte avant la fermeture de son cercueil ! Travailler dans ce milieu demande simplement l'envie d'y travailler . ✓As tu quelques remarques liées à l'évolution de ce secteur d'activité ? As tu vu à ton niveau des évolutions du marché funéraire ? Il y a de plus en plus de femmes qui enfin passent le pas et s'inscrivent dans le milieu de façon efficace, douce et pragmatique à la fois. Quand au marché, j'ai la ferme sensation que les attentes des familles sont moins orientées sur les obsèques religieuses, à l'église. Sans doutes que ce que l'on voit à la télé amène naturellement les personnes à orchestrer des cérémonies en les souhaitant sincères, sur mesure ( musique, instruments, repas ou non, gestes d'hommage ballon, lanternes, crayons etc..) Aujourd’hui donc les PF cherchent à personnaliser de plus en plus, et leurs offres vont je pense devoir aller dans ce sens de façon permanente. Beaucoup se sont jusqu'à présent contenté de lire des textes, passer 3 ou 4 morceau x de musique... et dans un tel moment,la plupart des gens se persuadent que cela convient! Mais si on leur explique pas qu'elles sont libres de choisir, qu'il n'y pas de honte à vouloir du Céline Dion ou de l'accordéon, que ce ne sont pas des chichis de vouloir dire au-revoir de telle ou telle façon, à l'image de ce qu'elles connaissent du défunt. Souvent je marque un temps de pause en suggérant aux personnes indécises de sonder ce que le défunt aurait dit ou fait. Et des fois c'est très intense quand la famille mime ou imite le défunt. ✓Peux tu nous donner l'exemple de quelques événements marquants qui t'ont fait prendre conscience que ce domaine d'activité était fait pour toi ? Lors d'un premier stage, l'ami d'une amie s'est tué sur la route et a été transféré dans la chambre funéraire de mon agence; c'était notre agence au planning des permanence décès de la police cette semaine là. Il y avait beaucoup d'agitation, et ce matin là je devais assister pour la première fois à des soins de thanatopraxie. Le choc lorsque mon amie , G.., m'appelle pour m'annoncer l'accident, car à cet instant je fais tout de suite le lien avec les soins auxquels je vais assister; il s'agit de S, cet ami avec lequel nous avions bu un café la semaine précédente! Lorsque je suis entrée dans le labo et ai vu S, allongé , j'ai su que ma place était bien là , de l'autre côté du bâtiment funéraire, ici, au labo, auprès du défunt; j'étais la seule actuellement à pourvoir transmettre, par l'intermédiaire de ma copine G, quelques nouvelles aux parents. La vue de son corps ne m'a pas éplorée, marquée oui, émue aussi, j'ai pensé qu'il y avait beaucoup de gâchis. ✓Pendant la période Covid, comment as tu vécu ton métier ? Particulier : il y avait les familles compréhensibles, concèdent comme elles peuvent toutes les restrictions, qui ont sans doutes laisser le deuil couler sur elles ... et les familles qui ne pouvaient pas accepter que l'on enterre leur proche aussi vite, sans compensations aucune .J'ai détesté représenter les Pompes Funèbres à ce moment là: je ne pouvais pas , à cause du gouvernement , apporter aux familles ce qu'elles attendaient. J'ai constaté beaucoup d'incohérences, entendu des témoignages sur les causes réelles ou non liées à ce virus, mais ... je me suis sentie très en colère vis à vis des institutions qui gèrent les hôpitaux, je reconnais mais .. là c'est le thème d'un autre podcast, je ne vais pas me faire d'amis et être étiquetée ! ✓Quelle est ta philosophie de vie ? La citation peut être qui te résumerait le mieux ? Finalement, je suis très en ligne avec les accords toltèques. Et je me répète souvent des phrases du " ho'ponopono", philosophie de la culture hawaïenne. En gros, c'est naturel chez moi : je fais toujours de mon mieux, je ne suppose quasiment pas ni ne prends rien personnellement la plupart du temps. Les mots trésors pour moi : " Désolée. Pardon. Merci. Je t'aime" ✓Quelles ont été les réactions de tes proches ?

J'ai mis 4 mois à évoquer mon envie de reconversion. Et mes proches ont très bien réagi , je ne m'y attendais pas ! " ah mais oui Mathilde ça t'irait trop bien ! ça te ressemble tellement " ! ✓Et maintenant quels sont tes projets ? Je souhaite intégrer des entreprises qui défendent les valeurs dans lesquelles je me reconnais. Je fais une pause là, depuis 8 mois, besoin de me ressourcer professionnellement et personnellement . Un luxe que je vis comme une chance , le monde tourne si vite et parfois on voit combien il va mal. Bref, pour ma part, ça suffit de devoir cacher qui je suis, optimiste, emportée de passion parfois, sous risque de me faire suspecter d'être " trop gentille " (véridique !! c'est ce qu'une responsable de stage m'a sorti une fois " oh mais toi t'es vraiment "trop" gentille, tu dois cacher quelque chose de louche ") . Les désillusions de certaines expériences m'ont aidé, au fond à me repositionner et j'ai commencé à envisager de me mettre à mon compte en qualité de Funeral Planner il y a quelque temps. Ça me donne une portée , une possibilité pour " demain", si mon profil n'intéresse pas ! :) Ce projet n'est pas finalisé, parce qu'en filigrane, comme la demande change, les agence funéraires commencent aussi de plus en plus à entrer en résonance avec les valeurs d'accompagnement bienveillant, à l'image du défunt ou de la famille, sans pression commerciale .. et c'est là, avec ces sociétés là que j'ai envie de m'investir. J'ai aussi un projet d'écriture, mais pour le plaisir. ✓ Y a t il quelque chose en particulier que nous n'aurions pas abordé et que tu aimerais partager avec nos auditeurs ? Au delà d'une simple reconversion professionnelle, je pense que nous sommes tous ici et maintenant pour apporter quelque chose au monde, cela passe aussi par le professionnel. Ne craignez jamais d'écouter votre intuition, votre âme :)



Je la rejoins totalement sur ce dernier paragraphe et partage sa philosophie de vie....

Merci à Mathilde de faire partager son amour de la vie et des autres au quotidien dans sa vie professionnelle.






 
 
 

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